De Corse en Turquie en catamaran Outremer
Retrouvailles avec l’Outremer 51, un catamaran de voyage performant que je commence à bien connaître, pour avoir accompagné un propriétaire dans la préparation d’un tour du monde, en coaching dans les eaux méditerranéennes et en croisière jusqu’aux Canaries. Seule petite différence, ce modèle-là, aux mains d’un couple franco-américain accompagné de leur fils de onze ans, est équipé d’un mât en aluminium (et non en carbone).
Au programme, un convoyage de près de 1200 milles depuis la Corse jusqu’à Finike, sur les rivages méditerranéens de la Turquie, ou notre petite famille avait prévu de passer l’hiver. La route la plus directe, et la plus logique sauf peut-être dans certaines conditions particulières, emprunte le détroit de Messine entre la Sicile et la botte italienne, traverse la mer ionienne vers le Sud du Péloponnèse, avant de tailler plein Est au travers de la partie méridionale de l’archipel des Cylades, avant d’atterrir sur la Turquie un peu plus bas que Marmaris.
Soit grosso modo le trajet que j’avais déjà emprunté quelques années en arrière à bord de la goélette de 28 mètres Dame des Tropiques. La question d’un éventuel détour par le canal de Corinthe, pas forcément pertinent compte-tenu des vents faibles à attendre à l’Est du Péloponnèse, dans le Golfe Saronique, ne s’est pas véritablement posée : les autorités grecques annonçaient une nouvelle fermeture imminente pour travaux de cette faille profonde creusée à la fin du XIXe siècle dans l’isthme de Corinthe.
La météo nous a contraint à une première escale dans les îles Eoliennes (dites aussi Lipari, du nom de la maîtresse-île de l’archipel), dont je garde de nombreux souvenirs aussi bien pour les avoir explorées en détail lors d’une croisière en famille, pour les avoir contourné en course lors de la Middle Sea Race, ou pour y avoir fait le plein de gasoil à la volée en convoyage. Cette fois-ci, il s’agissait de laisser passer un flux de vent violent qui menaçait de nous cueillir à la pointe de la botte italienne. Tranquillement amarrés dans le port de Salina quasi-désert hors saison, nous avons eu la surprise de voir les quais pris d’assaut le lendemain par des équipages de toutes nationalités, puis désertés aussi soudainement vingt-quatre heures plus tard. L’explication du phénomène, fournie par la capitainerie, nous a laissés songeurs : les loueurs de voiliers proposent à leurs clients des itinéraires types, que ces derniers s’empressent de suivre à la lettre et au jour près, transhumant ainsi en flottille.
L’arrêt suivant nous était imposé par la réglementation grecque, qui depuis quelques années a mis en place un permis de navigation – payant – à l’intention des navires de plaisance. Parmi les ports d’entrée possibles pour ces formalités, notre choix s’est porté sur Kalamata, bien calme aussi, où nous avons pu visiter les arcanes des bureaux des douanes, de l’immigration et des autorités portuaires.
Puis c’est à Rhodes que nous avons effectué les formalités de sortie des eaux grecques et de l’espace européen, non sans prendre le temps de visiter le coeur historique, assez fascinante malgré la densité de visiteurs et le côté ville-musée, et dont les monuments intacts sont comme autant de strates de civilisations et de religions qui s’y sont succédées.
Là aussi, il a fallu s’armer de patience et partir en quête de quelques tampons …
Et la Turquie ? Juste en face. Une centaine de milles, une dernière nuit en mer et nous touchions au but. Bateau posé pour l’hiver, satisfaction d’une navigation menée assez rondement et sans encombre, en bonne compagnie et sur une belle machine.