Le Django 12.70 au près serré

Quatre semaines en Django 12.70

C’est toujours passionnant de prendre livraison d’un voilier neuf en compagnie de son propriétaire. Il s’agit d’armer le bateau, de tester et valider tous ses équipements, d’organiser le rangement et la vie à bord, de découvrir ses réactions sur l’eau et d’affiner patiemment ses réglages. Cette apprivoisement et ces avancées se font en commun avec mon client, et ce partage rend mon travail d’autant plus gratifiant et intéressant.

Le Django 1270 au ponton de Falmouth, en Cornouaille anglaise.

J’ai ainsi embarqué à Concarneau, en ce début d’été, à bord d’un Django 12.70 fraîchement livré par le chantier Marée Haute qui construit ses voiliers de grande croisière à deux pas de là, dans le chantier de Trégunc. Issu d’une collaboration des architectes Pierre Rolland et Pierre Delion, le navire amiral du constructeur breton présente une carène large et puissante, contrôlée par deux safrans. Le franc-bord et les volumes sont généreux, une grande delphinière permet d’établir de grandes voiles de portant, le déplacement de 7,2 tonnes est résolument léger pour une unité de cette taille, le bouchain évolutif et le tirant d’eau de 3 mètres quille basse garantissent une belle raideur à la toile (la quille redevable permettant de réduire le tirant d’eau à 1,50 m pour certaines entrées de port et mouillages peu profonds).

Le dog-house, autrement dit la capote rigide, protège la descente et l’entrée du cockpit et s’intègre joliment à la silhouette d’ensemble. Le centrage des poids est soigné, avec en particulier l’emplacement des réservoirs sous les planchers du carré, et l’implantation de la baille à mouillage juste en avant du mât. Le Django 12.70 a tous les attributs d’un voilier de voyage rapide, d’un avaleur de milles, un peu moins radical probablement qu’un Pogo.

L’organisation des manoeuvres est une vraie réussite.
On l’aura deviné, nos crânes ont mis du temps à s’adapter à la hauteur du dog-house.

A prendre ses marques dans le cockpit pour les premières manoeuvres sous voiles, on se rappelle que le plan de pont est l’oeuvre Christophe Cudennec, ancien coureur et ancien patron de la voilerie Incidences qui équipe nombre de grandes unités hauturières de course et de croisière : c’est lui qui avait commandé à Marée Haute le premier Django 1270, d’où a découlé depuis une petite série. Tous les réglages dont rêve un mangeur d’écoutes sont là, et leur distribution est parfaitement organisée, avec deux paires de winchs et autant de réas « cross over » autorisant à tout moment le renvoi de n’importe quelle manoeuvre à un winch libre. Un peu de rigueur dans le rangement s’impose pour éviter de transformer le cockpit en plat à spaghettis, mais les bailles à bouts’ sous les hiloires sont suffisamment volumineuses pour stocker ce qui menace de traîner. Je n’ai nourri qu’un seul regret, l’absence de barre d’écoute de grand-voile, le palan d’écoute étant repris sur le sommet du dog-house : cela implique, dès que l’on abat en deçà du près, de solliciter fortement le hale-bas… et d’autant plus fortement que le propriétaire a voulu une grande-voile à corne. Soit dit en passant, l’option grand-voile à corne impose un double patatras (ou une paire de bastaques hautes, comme on voudra), ce qui fait d’autant plus de manoeuvres à gérer et de longueurs de bouts à ranger. Certains jours on en vient à envier le gréement sans pataras des Pogo (au prix certes d’un mât carbone), à d’autres moments on se dit que décidément on ne s’ennuie pas sur le Django.

Dans le chenal du Four. Pas besoin de beaucoup d’air pour avancer.

Autre belle découverte : le voilier se déhale très aisément par petit temps. Son déplacement léger y est pour quelque chose, la grand-voile à corne ne nuit probablement pas. En un mois notre consommation de gasoil s’avèrera ridicule, on ne démarre le moteur que pour les manoeuvres de port et de mouillage, d’autant que les panneaux solaires très efficaces suffisent à maintenir les batteries à niveau. En remontant au vent comme au portant, le bateau glisse joliment. La voilure généreuse conduit à réduire tôt, dès 18 à 20 noeuds de vent apparent au près nous passions sous trinquette (avec bien sûr une paire de basses bastaques à manoeuvrer histoire de rajouter quelques ficelles à notre arc).

A l’approche du Raz de Sein. Trinquette-grand voile haute,
et un ris s’imposera avant d’embouquer le raz proprement dit.

En quatre semaines de croisière et en déduisant les journées à quai pour finir de préparer le bateau, nous aurons couvert un peu plus de 600 milles, ce qui représente un bon bout de chemin pour une balade estivale. Notre périple nous aura mené jusqu’à Falmouth (Cornouaille anglaise) au Nord et Quiberon au Sud. C’était pour moi l’occasion de retrouver des parages plus ou moins familiers, et de renouer avec les souvenirs lointains des croisières en Angleterre sur le bateau de mes parents et ceux, plus récents, de mes belles années de course-croisière en double dans les eaux de l’Atlantique.

Sur la promenade de Falmouth. Impossible de se tromper,
nous sommes en Angleterre et nulle part ailleurs.
Sur le sillon de Camaret, cet étonnant cimetière à bateaux de pêche.

J’ai ainsi renoué avec des ambiances qui me sont chères, des paysages qui me sont familiers – et qui me parlent d’autant mieux qu’ils sont tous rattachés, de façon diverses et à des époques différentes, à des moments qui m’ont marqué. Mais puisque tout a une fin, après une dernière escale dans l’Odet nous avons ramené le Django à Concarneau. J’ai comme à mon habitude transmis au propriétaire un rapport technique sur toutes les améliorations à envisager sur le bateau. L’an prochain le Django devrait être en Méditerranée, avec de nouvelles destinations à explorer.

Dernière escale à Sainte Marine, dans l’embouchure de l’Odet.
Encore un petit matin délicieux.

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