Convoyage retour de Madère en JPK 1010
1100 milles sur le papier, 1400 sur l’eau. Cinq jours d’attente forcée à Madère, trois dépressions, cinq paquets de pâtes, dix litres de gasoil, 15 heures sous tourmentin. Rafale max 46 noeuds, vitesse max 16,6 noeuds. Ce convoyage jusqu’à La Rochelle n’a pas précisément engendré la mélancolie.
J’étais ravi de retrouver à cette occasion un JPK 1010, modèle sur lequel j’ai couru avec bonheur plusieurs saisons, tant en double qu’en équipage. Bateau de référence dans sa catégorie où il a tout gagné, le plan Valer s’est révélé une fois de plus un voilier fiable et très marin, capable d’aller très vite en naviguant « sur les portières », même s’il a fallu parfois modérer l’allure face à une mer particulièrement dure. Revers de la médaille, cela reste une unité de course pure, au cockpit exposé et aux aménagements sommaires : ces neuf jours de mer effectués pour l’essentiel contre le vent se sont avérés particulièrement exigeants.
En croisière de Madère vers le golfe de Gascogne, deux stratégies sont envisageables. L’une consiste à rallier les côtes portugaises à hauteur de Lisbonne, puis effectuer la remontée patiente et parfois usante de la péninsule ibérique face à l’alizé portugais, quitte à naviguer très près de terre pour s’abriter au mieux, et à devoir éventuellement multiplier les escales pour privilégier la navigation en deuxième partie de nuit et en début de matinée, lorsque le vent se calme légèrement. L’autre option – et c’est celle que privilégient la plupart des navigateurs au long cours – vise à rejoindre les Açores aux allures débridées dans les vents dominants de Nord-Est, puis à faire du tourisme à Santa Maria dans l’attente de la fenêtre météo garantissant le retour vers la France aux allures portantes.
En convoyage, ce chemin des écoliers est séduisant, mais on réduit l’ampleur du détour : on monte près du vent, tribord amures, jusqu’à traverser une zone de molles et récupérer les flux d’Ouest dominants quelque part à mi-chemin des Açores et du cap Finisterre. Encore nous a-t-il fallu attendre près d’une semaine sous les grains une accalmie relative avant d’appareiller sous grand-voile et foc de brise arisés, ce qui reste un moyen comme un autre de se mettre rapidement dans le bain.
Toute la traversée sera au diapason, l’anémomètre ne descendant rarement que sous les 25 noeuds de vent réel, tandis qu’après la zone de transition prévue la brise s’obstinait à rester la plupart du temps beaucoup plus Nord que Ouest. Hormis une nuit – particulièrement rapide – au vent arrière sous foc tangonné, il y aura rarement eu du mou dans les écoutes, et la vie de Dahu avec un bateau posé sur la tranche n’a connu que peu de répit. La météo ne nous faisant décidément que peu de cadeaux, mon équipier et moi-même devrons renoncer à une escale à la Corogne qui nous tendait pourtant les bras, pour finir notre périple avant une nouvelle rotation au Nord-Est. Ce n’est pourtant pas l’envie de rincer et faire sécher les cirés qui manquait.
Seule véritable anicroche lors de cette navigation vivifiante et humide (le capot de descente du JPK n’est malheureusement pas bien étanche), l’oxydation du câble de recharge de l’iPad et de l’iPhone utilisés pour la cartographie aussi bien que pour la réception des fichiers météo. Deux appareils garantissent l’indispensable redondance, mais lorsqu’ils dépendent de même source d’alimentation, les ennuis comptent double. C’est ainsi le convoyage s’est achevé avec une gestion parcimonieuse de ce qu’il restait de batteries, et que l’épisode nourri des réflexions précieuses pour l’avenir sur ce qu’il convient d’embarquer comme matériel de rechange (*) et sur l’importance de ne rien laisser traîner de fragile sur une table à cartes ne restant pas forcément au sec.
(*) Dans le sac d’un convoyeur il n’y a pas forcément beaucoup de tenues pour dîner à terre mais tout un tas de choses permettant de faire face au prévisible et à l’imprévisible. Voilà pourquoi il est parfois si encombrant.