1800 milles en Nautitech 44
En plein coeur de l’été, j’accompagnais l’acquéreur d’un Nautitech 44 open flambant neuf dans la prise en mains de son bateau et son convoyage depuis La Rochelle jusqu’à Port Camargue, son port d’attache. Pour cette navigation inaugurale, le propriétaire était accompagné de deux amis.
Le Golfe de Gascogne ne leur a pas fait de cadeau, nous réservant trois jours de près jusqu’au Cabo Ortega, mais c’était cela ou attendre près d’une semaine une fenêtre météo résolument favorable. Au moins avons-nous eu le soulagement de prendre la bascule au Nord-Ouest avant le cap Finisterre.
Un arrêt de vingt-quatre heures à Baïona, juste avant la frontière portugaise, permettra de remettre définitivement les estomacs d’aplomb et de requinquer l’équipage avant d’aborder la descente vers le Cap Saint Vincent et Gibraltar. Naviguer contre le vent, assure le dicton, c’est une fois et demie la route, deux fois le temps, trois fois la grogne… et avec un multicoque les coefficients sont à revoir à la hausse.
Pour un catamaran conventionnel muni de quillons et non de dérives, le Nautitech 44 open présente un comportement à la mer et des performances très honorables. Le jeu de voiles de notre bateau – solent, code zéro et genaker – présente cependant une limite : difficile de s’approcher vent arrière, notre meilleur angle de descente dans l’alizé portugais sera de 150° du vent réel. Aussi bien taillé soit-il, un genaker ne remplace pas un véritable asymétrique et encore moins un spi symétrique. Après avoir tiré des bords contre le vent dans le Golfe de Gascogne, il a fallu enchaîner les empannages en essayant d’exploiter au mieux les rotations du flux de secteur Nord.
A partir de Cadix nous attendait un exercice particulier : le longe-côtes, dans l’espoir d’éviter les orques qui depuis maintenant plus de deux ans se signalent dans la région par des jeux brutaux avec les voiliers de rencontre, se soldant trop souvent par des bris de gouvernail. Si pendant longtemps la communauté des plaisanciers a vainement tâtonné à la recherche de solutions fiables, quelques semaines plus tôt le tableau s’est légèrement éclairci : des spécialistes de l’observation des cétacés ont montré que les épaulards ne s’aventurent pas dans les zones de moins de vingt mètres de fond; une carte de leurs mouvements a permis de mettre en évidence des routes plus sûres, et notamment celle qui passe au ras des plages jusqu’à Tarifa.
Passé Gibraltar, si le sujet orques n’était pas totalement écarté (les premières interactions avec des voiliers en Méditerranée avaient été signalées peu de temps auparavant), les préoccupations liées au trafic maritime ont pris le dessus, le vent jamais véritablement bien orienté nous compliquant la tâche lorsque nous cherchions à nous éloigner des rails de cargo. Plutôt déconcertés par le radar à leurs débuts au large du Portugal, mes clients ont eu plus d’une occasion d’approfondir leur apprentissage de cet équipement bien plus intéressant à mes yeux que l’AIS.
Treize jours après notre départ de La Rochelle nous touchions au but, et le propriétaire se préparait à repartir très vite en croisière familiale avec un bateau largement éprouvé et fiabilisé, ainsi qu’une belle expérience lui ayant permis de s’aguerrir et d’acquérir de nouvelles compétences.