De Fos à la Grande Motte en Outremer 51
C’était un convoyage court, mais inhabituel dans son contexte : il s’agissait de récupérer à Fos-sur-Mer un catamaran Outremer 51 dans les cales d’un transbordeur pour le rapatrier à La Grande Motte.
Ces barges dédiées au transport de bateaux sont d’un fonctionnement assez particulier. Munies de larges portes à l’arrière, elles se remplissent et s’enfoncent de façon à y faire entrer les navires qu’elles accueillent. Puis des plongeurs placent des bers, on vide l’eau, on sangle tout cela, et c’est parti. A l’arrivée on remplit de nouveau, on ôte les bers et les bateaux sortent par leurs propres moyens, en marche arrière.
C’est ainsi que nous avons récupéré notre Outremer 51 en provenance de l’autre bout du monde via Panama, les Antilles et Anvers : coincé entre une plate-forme de forage, deux péniches, une sorte de paquebot fluvial et un Halberg-Rassy, seul autre voilier du chargement. Le temps de mise en eau et de sortie un par un des navires s’avérant assez long, nous avons eu tout le loisir de préparer notre catamaran, et de procéder à toutes nos vérifications techniques. De manière inattendue, nous avons même bénéficié du dévent des murailles du cargo pour gréer tranquillement le foc sur l’enrouleur d’étai.
Au moment de contrôler les réserves de carburant, je ne sais quelle intuition me conduit, outre le coup d’oeil indispensable aux jauges, à sonder les réservoirs par leur trappe de visite. Bingo, celui de tribord est quasi-vide, ce qui contredit totalement les informations de la jauge. Il va falloir trouver du gazole au plus tôt. Sitôt libéré de la cale du Yacht Servant, en route à régime minimum vers la première pompe des environs, à Port de Bouc, de l’autre côté du golfe de Fos.
La nuit tombe déjà, nous attrapons au vol le pompiste, qui nous assure qu’il n’a jamais vu de voiliers sur son ponton (plutôt agressif et mal défendu – le ponton, pas le pompiste !). Nous mettons ce qu’il faut, et c’est reparti. Las, nous sommes à peine arrivés entre les passes de Port de Bouc que le moteur tribord s’étouffe et refuse de redémarrer. Option 1, naviguer huit milles jusqu’à Port Saint Louis du Rhône pour y accoster de nuit, sur un seul moteur, et sans personne à quai ou sur le ponton pour prendre nos amarres. Option 2, s’attaquer maintenant au problème et tenter de réparer. Option 3, tailler la route malgré le tout petit temps jusqu’à l’autre côté de la Camargue, poser l’ancre quelque part comme par exemple dans la baie de l’Espiguette, et il fera jour demain.
C’est la dernière stratégie qui l’emporte, après tout un Outremer ça navigue très joliment à la voile quelque soit le vent, et même si nous sommes un 30 décembre la nuit ne s’annonce pas si froide. Avec David nous enchaînons les quarts sans histoire, mer plate, navigation sous solent et grand-voile haute, à négocier les bascules de vent et à soigner nos réglages. David, qui dans l’année est capitaine d’un monocoque de course-croisière de 72 pieds, découvre l’Outremer et se dit assez épaté.
Comme prévu, mouillage à l’Espiguette, un court sommeil et au réveil nous nous attaquons au moteur tribord, qui redémarre sans trop de difficulté après une purge du circuit gazole basse pression. Difficile de savoir pourquoi nous sommes tombés en panne juste après être passé à la pompe ! Ou bien le réservoir était complètement à sec et le moteur avait commencé à désamorcer, ou bien nous avions en tirant dans les « impompables » (le fond de réservoir) aspiré des impuretés dans le circuit.
Une heure plus tard le catamaran est à sa place à la Grande Motte, rangement, nettoyage rapide et direction le train pour retrouver nos familles en cette veille de jour de l’an. Il restera, comme toujours, à rédiger le rapport technique tirant le bilan de la navigation et détaillant les problèmes matériels à investiguer ou à régler … au premier rang desquels les jauges à carburant.